La sécurité dans les transports publics : un droit fondamental en péril ?

La sécurité dans les transports publics : un droit fondamental en péril ?

Face à la recrudescence des actes de violence dans les transports en commun, le droit à la sécurité des usagers est plus que jamais remis en question. Quelles sont les mesures prises pour garantir ce droit fondamental et quels sont les défis à relever ?

Le cadre juridique de la sécurité dans les transports publics

Le droit à la sécurité dans les transports publics est ancré dans plusieurs textes législatifs et réglementaires. La loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 pose les bases de ce droit en affirmant que les usagers ont droit à un service de qualité et sûr. Cette notion a été renforcée par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, qui a introduit des dispositions spécifiques pour lutter contre la délinquance dans les transports publics.

Le Code des transports, entré en vigueur en 2010, consolide ces principes en son article L. 1111-1 qui stipule que « le système des transports doit satisfaire les besoins des usagers et rendre effectifs le droit qu’a toute personne […] de se déplacer et la liberté d’en choisir les moyens ». Cette formulation implique clairement une obligation de sécurité pour les opérateurs de transport.

Au niveau européen, le règlement (CE) n° 1371/2007 relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires renforce cette notion en imposant aux entreprises ferroviaires de prendre « des mesures adéquates pour assurer la sûreté personnelle des voyageurs ».

Les acteurs de la sécurité dans les transports publics

La mise en œuvre du droit à la sécurité dans les transports publics implique une multitude d’acteurs. En première ligne, on trouve les opérateurs de transport (SNCF, RATP, réseaux de transport urbain) qui ont une obligation de moyens en matière de sécurité. Ils doivent mettre en place des dispositifs de prévention et de protection, former leur personnel et coopérer avec les forces de l’ordre.

Les forces de l’ordre jouent un rôle crucial dans la sécurisation des transports. La police nationale, la gendarmerie et les polices municipales interviennent régulièrement dans les gares, stations et véhicules. Des unités spécialisées comme la Brigade des Réseaux Franciliens (BRF) en Île-de-France sont dédiées à cette mission.

L’État et les collectivités territoriales sont également des acteurs majeurs. Ils définissent les politiques de sécurité, allouent des ressources et coordonnent les actions des différents intervenants. Le ministère de l’Intérieur et le ministère chargé des Transports sont particulièrement impliqués dans cette problématique.

Enfin, les usagers eux-mêmes ont un rôle à jouer dans la sécurité des transports publics. Ils sont encouragés à adopter des comportements responsables et à signaler les situations à risque.

Les dispositifs de sécurité mis en place

Pour garantir le droit à la sécurité des usagers, de nombreux dispositifs ont été déployés dans les transports publics. La vidéoprotection s’est généralisée dans les gares, stations et véhicules. Selon le Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART), plus de 80% des réseaux de transport urbain en sont équipés.

Les systèmes d’alerte se sont multipliés : boutons d’alarme dans les véhicules, bornes d’appel sur les quais, numéros d’urgence dédiés. Des applications mobiles comme « 3117 » de la SNCF permettent aux voyageurs de signaler rapidement tout incident.

La présence humaine reste un élément clé de la sécurité. Les opérateurs ont renforcé leurs effectifs de sûreté, avec des agents spécialement formés. La SNCF dispose ainsi de sa propre Sûreté ferroviaire (SUGE), tandis que la RATP s’appuie sur son Groupe de Protection et de Sécurisation des Réseaux (GPSR).

Des aménagements techniques contribuent également à la sécurité : éclairage renforcé, suppression des recoins, installation de portiques de sécurité dans certaines gares. La conception même des nouveaux matériels roulants intègre des critères de sûreté.

Les défis persistants en matière de sécurité

Malgré ces efforts, le droit à la sécurité dans les transports publics reste confronté à de nombreux défis. La hausse des incivilités et des agressions est une préoccupation majeure. Selon l’Observatoire national de la délinquance dans les transports (ONDT), le nombre d’atteintes aux personnes dans les transports en commun a augmenté de 4% en 2019.

Le sentiment d’insécurité demeure élevé chez de nombreux usagers, en particulier les femmes et les personnes vulnérables. Une enquête de Île-de-France Mobilités révèle que 39% des femmes déclarent avoir déjà renoncé à emprunter les transports en commun par peur.

La gestion des flux de voyageurs, notamment aux heures de pointe, pose des problèmes de sécurité. Les bousculades et les mouvements de foule peuvent engendrer des situations dangereuses.

La menace terroriste reste une préoccupation majeure pour les autorités. Les attentats de 2015 et 2016 ont montré la vulnérabilité des transports publics face à ce type d’actes.

Enfin, la coordination entre les différents acteurs de la sécurité reste perfectible. Les compétences partagées entre l’État, les collectivités et les opérateurs peuvent parfois conduire à des difficultés d’articulation des actions.

Les perspectives d’évolution du droit à la sécurité dans les transports

Face à ces défis, le droit à la sécurité dans les transports publics est appelé à évoluer. Plusieurs pistes sont envisagées pour renforcer son effectivité.

Le recours aux nouvelles technologies devrait s’intensifier. L’intelligence artificielle pourrait être utilisée pour détecter plus rapidement les comportements suspects. La biométrie pourrait faciliter les contrôles d’accès dans certains espaces sensibles.

Le renforcement du cadre juridique est également à l’étude. Des propositions visent à durcir les sanctions contre les auteurs d’agressions dans les transports et à faciliter les procédures judiciaires.

La formation des personnels devrait être approfondie, notamment pour mieux prendre en charge les victimes et gérer les situations de crise.

Une approche plus globale de la sécurité se dessine, intégrant davantage la prévention et la médiation. Des expériences de « marches exploratoires » menées par des usagers pour identifier les points d’insécurité se multiplient.

Enfin, la coopération internationale en matière de sécurité des transports devrait se renforcer, notamment au niveau européen, pour faire face aux menaces transfrontalières.

Le droit à la sécurité dans les transports publics est un enjeu majeur pour nos sociétés modernes. Si des progrès significatifs ont été réalisés, des défis importants subsistent. L’évolution de ce droit nécessitera une mobilisation continue de tous les acteurs concernés et une adaptation constante aux nouvelles menaces. C’est à ce prix que les transports publics pourront rester un espace de liberté et de mobilité pour tous les citoyens.